La nuit des écoles
Le vendredi 13 juin 2008, s’est déroulée dans de nombreuses écoles françaises, une action originale : parents et enseignants ont passé la nuit à l’école. Visant à attirer l’attention du public sur les réformes Darcos de l’enseignement primaire, cette nuit se devait d’être longue et animée. C’est ainsi que, à Aubervilliers, parents d’élèves et enseignants de l’école Honoré de Balzac, se sont retrouvés pour participer à leur première « Nuit des écoles ». La Révolution en Charentaises avait dépêché un envoyé spécial sur place : interview exclusive d’une enseignante présente ce soir-là.
La REC : Vous êtes vous-même enseignante. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste cette « Nuit des écoles » ?
Sophie : Le mouvement a commencé dans des écoles de Loire-Atlantique et s’est propagé ensuite à toute la France. En choisissant un autre moyen d’action que la grève, tout le monde peut participer : les enseignants bien sûr, mais aussi les parents d’élèves et tous ceux qui se sentent concernés par la remise en question du système éducatif. Le but du jeu, c’est d’occuper l’école pendant toute la nuit et de créer ainsi des débats avec les habitants du quartier.
La REC : Qu’est-ce qui vous a motivée pour participer à ce mouvement ?
S. : L’originalité de l’action et le fait que cela soit une action locale ; nous avons trop peu souvent l’occasion de discuter avec les parents d’élèves de nos classes, c’était une bonne manière de les alerter sur les dangers des réformes en cours.
La REC : Vous parlez bien sûr des réformes lancées par Xavier Darcos. Que considérez-vous comme « dangereux » dans ces réformes ?
S. : Tout d’abord la diminution du temps de classe pour les enfants, qui passe de 26 à 24 heures hebdomadaires, la disparition programmée des réseaux d’aide aux enfants en difficulté et les nouveaux programmes, qui ne laissent plus la place à la réflexion et à la créativité.
La REC : Mais ne croyez-vous pas que des réformes s’imposent ?
S. : Bien évidemment, mais encore une fois, c’est d’un nivellement par le bas qu’il s’agit aujourd’hui. Economiser sur le temps de classe et les postes d’enseignants spécialisés, ce n’est certainement pas le meilleur moyen pour résoudre le problème de l’échec scolaire. Si le gouvernement compte faire ces économies, c’est réussi ; s’il compte améliorer l’efficacité du système éducatif français, c’est complètement raté !
La REC : Qu’allez-vous donc faire pendant cette nuit qui s’annonce longue ?
S. : Avec l’aide de parents d’élèves, nous avons réalisé des banderoles que nous avons installées sur les grilles de l’école. Un « cahier de rêves » a circulé, dans lequel nous avons invité tous les participants à décrire leur école idéale. Une sorte de cahier de doléances à l’envers ! Nous attendons maintenant la visite du Maire d’Aubervilliers ainsi que les journalistes de la presse locale, sur lesquels nous comptons pour relayer notre action.
REC : Je vous souhaite d’obtenir les soutiens espérés et vous laisse conclure cette interview.
S. : J’espère que cette nuit des écoles aura un impact sur les réformes en cours, pour éviter un réveil douloureux à la rentrée !
Une vingtaine de personnes étaient déjà présentes et les conversations allaient bon train quand je suis reparti de l’école Honoré de Balzac. Par la suite, notre interlocutrice m’a confirmé que le nouveau maire socialiste de la commune d’Aubervilliers – M. Salvador – était bel et bien passé soutenir leur mouvement et leurs revendications, dans la soirée, accompagné de deux conseillers municipaux. Profitons-en pour souligner ce bon exemple de solidarité entre les citoyens et la res publica , alors même que les carences de l’école se font sentir de manière de plus en plus pressante, ces derniers temps. Selon les propos d’un autre des participants présents ce soir-là : « On a l’impression que les moyens accordés à l’éducation nationale sont inversement proportionnels aux difficultés rencontrées sur le terrain au quotidien. Avec les réformes Darcos, on s’attend à ce que le fossé se creuse un peu plus entre les élèves – qui sont déjà dans de grandes difficultés scolaires – et la société au sein de laquelle l’Ecole de Jules Ferry est censée les intégrer ». Cette action suffira-t-elle à faire fléchir Xavier Darcos et le gouvernement Sarkoy ? Si son efficacité ne pourra se mesurer qu’après les congés estivaux – les réformes passant souvent en août il faut le reconnaître – saluons la détermination de ces citoyens qui se sentent concernés par le sort qui les attend. Le réveil n’en sera peut-être pas moins douloureux, mais ils auront lutté, eux.
En document joint, retrouvez le "Cahier des rêves" qui a circulé ce soir, à l’école Balzac d’Aubervilliers. N’hésitez pas à laisser vos propres rêves sur le forum de cet article, nous les ajouterons au fur et à mesure à ce "Cahier des rêves"
Voir en ligne : Le site officiel de la nuit des écoles