Aucun acte individuel n’évitera le réchauffement climatique
Les petits actes de la vie de tous les jours n’infléchiront en rien les rejets de dioxyde de carbone dûs à l’activité humaine. Ce n’est pas le jour où le monde entier se mettra à rouler en vélo et bannir l’avion que la consommation de pétrole diminuera, mais bien l’inverse : quand le pétrole sera rare et cher, alors, le monde entier se mettra au vélo et bannira l’avion.
Combustion et pollution
Le réchauffement climatique est dû à l’effet de serre, lui-même provoqué par l’atome de carbone sous forme de dioxyde de carbone gazeux et atmosphérique. Ce phénomène est maintenant assez bien connu du grand public, je ne rentrerai donc pas plus dans les détails. Rappelons juste que l’effet de serre est bon à priori, car sans lui la température moyenne de la Terre serait de –18°C. Mais le problème du réchauffement vient de l’augmentation trop rapide de la concentration en CO2 dans l’atmosphère due à l’activité humaine. En cause donc, notre consommation de carbone fossile (pétrole et charbon) qui libère une très grande énergie. Cette concentration d’énergie est très pratique pour se chauffer ou se déplacer (presque irremplaçable même), mais la combustion libère aussi le dioxyde de carbone : la voiture, le chauffage, l’industrie, les transports aériens, routiers ou maritimes sont donc pointés du doigt : ils polluent.
Pas de solution individuelle
La réponse à ce problème global de pollution a été jusque là individuelle : par exemple, le protocole de Kyoto prévoit que chaque pays, indépendamment, fasse un effort pour rester en dessous de certains quotas. De même, le développement durable est globalement un plan de communication qui vise la responsabilité de chacun : "achetez une voiture qui consomme moins", "faites isoler votre appartement", "changez vos vieilles ampoules pour de la basse consommation", "éteignez vos appareils en veille" [1]… J’ai souvent vu des amis faire attention à ces petits détails, et dire « au moins, c’est déjà ça. » Ou encore : « Si tout le monde faisait comme moi ! ». Mais justement, tout le monde ne fait pas comme eux, parce que tout le monde n’a pas leur connaissance ou simplement leur liberté d’agir sur leur vie. Autrement dit, ce discours et ces actions peuvent offrir de la bonne conscience individuelle, mais les actes isolés sont nettement insuffisants et n’agissent pas sur la production globale de dioxyde de carbone. De même les voitures qui dégagent 115 ou 139 g de CO2 par km ont un bon argument de vente à écrire en gros sur la pub, mais elles ne réduiront en rien la facture énergétique globale, car le but reste avant tout d’en vendre toujours plus pour faire encore plus de kilomètres. Et oui ! tant que l’économie mondiale fonctionnera sur la croissance, le but sera de produire plus et donc de consommer plus de matière premières (pétrole et charbon compris).
Pas même de solution à l’échelle d’un pays.
Même à l’échelle d’un pays, un plan d’isolation des appartements ou de renouvèlement du parc automobile pour des voitures dites « propres » (disons plutôt "moins sales") ne fonctionne pas ; ce n’est pas inutile, et j’y reviendrai, mais ça ne diminuera en rien la facture énergétique mondiale. Car le dioxyde de carbone émis dans l’atmosphère n’est pas seulement la somme des consommations individuelles : ils est avant tout directement fonction de la quantité de pétrole (et de charbon) extraits du sol. On peut dire sans trop d’approximations, que quasiment tout le pétrole extrait du sol, sera un jour ou l’autre brûlé (même s’il passe provisoirement par l’état de plastique) et donc transformé en CO2. Les pays producteurs produisent une certaine quantité de pétrole, et si il y a un surplus dû aux économies d’énergies françaises et occidentales, cette baisse de la demande aura un impact sur le prix du baril (à la baisse) et alors on trouvera sans problèmes de nouveaux acquéreurs prêts à développer de nouvelles activités industrielles énergivores. Il y a eu par exemple, ces dernières années, les compagnies aériennes à bas coût et le développement du transport aérien dans son ensemble. Un billet d’avion pour le Maroc est passé de 300 € environ en 1999 à 150 € en 2007. Pour les années 2010, il y a la Nano Tata : la voiture à 2500 $, crée pour les classes moyennes indiennes, prête à équiper 100 ou 200 millions d’indiens. On peut aussi citer les délocalisations qui consomment beaucoup d’énergie à faire parcourir des milliers de kilomètres aux matières premières et aux produits manufacturés. Autrement dit, ce n’est pas la demande qui conditionne l’offre, mais l’inverse : quand bien même on ferait tous les efforts possibles pour réduire sa consommation d’énergie, tant qu’il y aura une offre de pétrole pas cher, il sera inéluctablement transformé en dioxyde de carbone, et ce à un rythme de plus en plus rapide, en fonctions de la production que peuvent assurer total, Shell et les autres extracteurs.
Seule une solution collective
Il n’y a donc qu’une solution au réchauffement climatique : réduire l’offre de pétrole, c’est-à-dire soit interdire de nouveaux forages, soit les taxer fortement. Le seul problème : personne n’ose en parler ou ne sait comment faire. [2] Et pourtant, tout le monde y gagnerait : à commencer par nos enfants, mais pas seulement : les pays producteurs vendraient leur barils plus cher (entre 200 et 300 €) et donc gagneraient autant voir plus d’argent. L’économie se relocaliserait : inutile de faire faire ses vêtements en Chine si le prix de transport coûte plus cher que la main-d’œuvre française. Évidemment, il y aurait aussi des dommages : l’Américain comme le Français moyen n’auraient plus les moyens de prendre l’avion et la voiture comme on le fait encore : c’est-à-dire sans réfléchir. Les logements se rapprocheraient automatiquement des lieux de travail, les pécheurs stopperaient la pêche avec des bateaux qui consomment énormément et donc qui polluent énormément. Beaucoup de chauffeurs routiers seraient mis au chômage et seraient donc amenés à trouver une autre activité. Enfin, une tranche de la population n’aurait plus l’argent pour se chauffer dignement. En ce sens, la politique d’économie d’énergies fossile des pays occidentaux (voitures qui consomment moins, meilleure isolation des logement) pourra s’avérer utile et éviter le pire.
Vivement le baril à 300€
Mais surtout, dans l’idée d’un pétrole cher (et pourquoi pas surtaxé dans les pays occidentaux), nos enfants auraient peut-être une chance de vivre dans un monde où les bouleversements climatiques (puisque c’est déjà trop tard pour qu’il n’y en ait pas) resteraient vivables. Ce qui s’est passé au premier trimestre 2008 avec un pétrole à 145 $ est historique : la consommation d’essence des américains a baissé de 15 % par rapport à celle de 2007. Ce qu’aucun protocole n’arrivera jamais à faire, l’économie le fait. De même en France, le vélo redevient un des premiers moyens de déplacements citadins et la distance travail-maison tend à redevenir un critère prioritaire dans le choix du logement et du travail.
Bref, ça fera un peu mal en passant à la pompe, mais vivement le baril à 300€ et le gazole à 3€ le litre : en effet, avec un pétrole cher, on ne pollue pas n’importe comment.
[1] tous ces conseils sont d’ailleurs toujours dans une certaine idée de consommation ... on entend trop rarement des idées de décroissance dans les slogans officiels : du genre "partez en vacance moins loin", "réfléchissez avant de prendre votre voiture", "évitez l’avion", "ne consommez pas plus que le nécessaire"
[2] On pourrait réfléchir à taxer le baril quand il passe en bourse... mais il paraît que ce n’est pas dans la culture boursière...