Tsunami aux Pays-Bas
Quand l’extrême-droite surfe sur la vague islamophobe, la démocratie néerlandaise prend l’eau.
Huit ans. C’est ce qu’il aura fallu à l’extrême-droite néerlandaise pour se relever après avoir retrouvé son leader sur le carreau, transformé en passoire par un militant écologiste alarmé par ses succès électoraux. En huit ans, le style a sensiblement changé (la Bête a plus de poils [1] et se les fait teindre en blond) mais le discours reste le même : insécurité = immigration = islam = terrorisme. Le tout répété en boucle et sur tous les tons par les derviches tourneurs de la haine raciale… jusqu’à la nausée.
Résultat, Geert Wilders et son parti, le PVV (extrême-droite), ont conquis suffisamment de sièges aux dernières élections pour permettre la mise en place du gouvernement le plus à droite depuis les heures sombres de l’Occupation. Cela n’avait rien d’inéluctable puisqu’une coalition gauche/droite - classique aux Pays-Bas - aurait été également possible. Les fins stratèges de la droite en ont néanmoins décidé autrement.
On va donc pouvoir se congratuler dans les conseils d’administration des grandes-entreprises et soupirer de soulagement dans les églises : néo-libéraux du VVD et chrétiens-soit-disant-démocrates de la CDA vont gouverner. Ceci dit, s’ils ne satisfont pas leur allié d’extrême-droite, ils tombent du jour au lendemain. Autrement dit, Wilders les tient par les couilles et ne va pas se gêner pour les mettre sous pression.
Verhagen, le leader de la CDA, les a sûrement toute petites. C’est du moins l’impression qu’il donnait lors de sa conférence de presse. Avec ses allures de paillasson, ses ambitions politiques à courte vue reposant sur des petits calculs minables, il donnait l’impression d’être accroché au pouvoir comme un avare à son coffre-fort dans un navire en train de sombrer.
Qu’il coule ! Et avec lui tous les petits hommes ternes de son parti. Invisibles dans leurs costumes sombres et leurs chemises à carreaux, ils sont tellement fascinés par l’éclat du pouvoir qu’ils changeraient l’orientation de de leur raie sur le côté pour aller dans le sens du vent. Qu’ils aient été 68 % à approuver l’accord avec l’extrême-droite n’a malheureusement rien d’étonnant.
Du côté des néolibéraux du VVD, on se frotte les mains et c’est bien normal. Quand on prône sans relâche la loi du plus fort, il n’y a pas beaucoup à se forcer pour comprendre la façon de penser de l’extrême-droite. Pinochet, Thatcher, Berlusconi, Bush ou Sarkozy en témoignent. Maintenant qu’il a les mains libres pour aller à droite toute, le VVD ne va certainement pas se gêner pour liquider le solde des conquêtes sociales néerlandaises et ramener le pays en plein XIXè siècle.
Avec un parti qui en faveur de la guerre économique de tous contre tous (VVD), un autre qui se définit comme chrétien (CDA) et un troisième qui a fait de la croisade contre l’islam son cheval de bataille (PVV), difficile de ne pas se sentir un citoyen de seconde classe lorsqu’on est musulman aux Pays-Bas et que, comme c’est souvent le cas, on a un boulot sous-payé et mal considéré [2].
Une fois passée l’irrésistible envie de vomir à la gueule des loups de l’extrême-droite et de leurs complices de la droite traditionnelle, que faire ? Se battre. Non pas uniquement pour protester contre l’attitude des partis de droite (ce que la gauche néerlandaise n’a d’ailleurs fait que très timidement jusqu’à présent [3]), mais surtout pour faire avancer les valeurs de gauche dans l’opinion : la solidarité contre la loi du plus fort, l’entraide au lieu du chacun pour soi, une laïcité intransigeante (ou encore mieux, l’athéisme), la justice sociale et le choix du camp des dominés plutôt que celui des ceux qui les exploitent.
Pour gagner dans les urnes, la gauche doit gagner ce combat idéologique. Elle n’y parviendra pas si elle transige sur ses idées… Aux Pays-Bas comme en France.
Résultats des élections de juin 2010 :
Droite : VVD (néo-libéraux) 21% des sièges ; CDA (chrétiens-démocrates) 14% ; PVV (extrême-droite) 16% ; CU (protestants fanatiques) 3% ; SGP (autres protestants fanatiques) 1%.
Centre : D66 10%.
Gauche : PVDA (socialistes) 20% ; SP (parti à la gauche des socialistes) 10% ; GL (écologistes) 7%.
Autre : PVDD (parti des animaux) 1%.
[1] Le précédent leader d’extrême-droite, Pim Fortuyn, était chauve.
[2] Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à compter les foulards islamiques parmi les caissières de supermarché, les agents de nettoyage, les gardes scolaires, etc.
[3] Rien de similaire à ce qui s’est passé en France entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2002 (manifs, etc.)